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04 octobre 2008

Miller ! L'effronté !

Alors là, pour une découverte, c'en est une !

Je navigais, tranquillement, sur les eaux cybernétiques, passant de mon répertoire des images à celui de la littérature, faisant des allers-venues googliens pour trouver qui était assise à côté de Carson McCullers sur une photo où elle avait l'air bien jeune. C'était une actrice américaine, Julie Harris, qui a joué dans une adaptation d'un des livres de McCullers, quel film ?, ah "The member of the wedding" soit Frankie Addams pour le titre français, tiens allons voir ce que dit Wikipédia sur mon auteur fétiche, ah oui, oui, je vois, ok, et.... QUOI ??????

Le film "L'effrontée" de Claude Miller dans lequel joue magistralement Charlotte Gainsbourg toute jeune, absolument adolescente et charmée par la jolie Clara Bauman..... Ce film est une adaptation du roman "Frankie Addams" ! Ah mais je ne suis pas d'accord ! Pas d'accord du tout ! ......

Effectivement, après quelques recherches supplémentaires je vois bien qu'il est chaque fois indiqué qu'il s'agit d'une LIBRE adaptation du livre. Bienheureuse précision !

Pour moi le livre et ce film n'ont rien à voir ! Ils sont chacun de grandes oeuvres mais Charlotte n'a rien à voir avec Frankie, si ce n'est l'adolescence.... Et bien me voilà hallucinée. Voilà plus de 20 ans que je vis avec ce film dans un coin de mon cerveau, voilà 2 ans que ce livre en habite un autre recoin, et cela ne fait que 2 minutes qu'ils se sont reliés. Mais je vous jure que je n'arrive pas à faire se rejoindre les deux extrémités de ce fil mental. Non, je ne veux pas, ce n'est pas la même histoire!

Ca n'indigne que moi ?

...

26 mars 2008

Autobiographie de tout le monde

de Gertrude STEIN.

Je crois que j'aurais aimé la rencontrer, pour la voir et l'écouter et sourire.

Voici quelques extraits de son "Autobiographie de tout le monde" dans l'édition Points, intéressants, amusants ou étonnants : 

 

page 65 :
"Pendant toute cette période je n'ai rien écrit. J'avais écrit et je n'écrivais rien. Rien à l'intérieur de moi n'avait besoin d'être écrit. Il n'y avait rien qui eût besoin d'un mot et il n'y avait à l'intérieur de moi aucun mot qui ne pouvait être dit et il n'y avait donc pas de mot à l'intérieur de moi. Et je n'écrivais pas. Cette histoire d'identité à commencé à me tourmenter. Je l'avais toujours été parce que j'avais à l'intérieur de moi des mots qu'il fallait écrire et maintenant n'importe lequel des mots que j'avais à l'intérieur  de moi pouvait être dit il n'avait pas besoin d'être écrit. Je suis parce que mon petit chien me connaît. Mais étais-je moi quand je n'avais pas de mot écrit à l'intérieur de moi. C'était très troublant. Je me disais parfois je vais essayer mais essayer c'est mourir un peu aussi n'ai-je pas vraiment essayé. Je n'écrivais rien."

page 292 :
"Nous sommes entrées dans le port nous avons repris le train et on est arrivé à Paris. Les villes que nous voyions me posaient un problème après tout les villes européennes du moins les vieux quartiers ont une architecture magnifique mais ce n'était pas le cas des quartiers neufs c'est-à-dire de tout ce qui a été fait depuis près de cent ans, et comme petit à petit les villes européennes sont de plus en plus neuves et que les quartiers neufs en Amérique sont plus beaux que les quartiers neufs en Europe peut-être que les villes américaines sont-elles plus belles que les villes européennes. Si c'est vrai c'est intéressant."

page 241 :
"Le reste de l'Amérique était très habité bien plus que je ne m'y attendais, les routes les campagnes étaient habitées la campagne semblait habitée et elle l'était mais pas la Virginie. Non pas la Virginie. Par la suite alors que nous allions en voiture d'une université à l'autre et que nous traversions des kilomètres de Virginie inhabitée Mrs Muncie m'a dit quand je lui ai dit cela oh oui mon père dit qu'en Virginie, c'est un homme intéressant mon père, il dit qu'il s'assied et qu'il laisse les pins pousser."

page 215-216 :
"J'aimais les photographes. Il y en a un qui est venu me voir et il m'a dit qu'on l'avait envoyé faire un lay-out de moi. Un lay-out dis-je, oui dit-il, qu'est-ce que c'est dis-je, oh dit-il c'est 4 ou 5 photos de vous en train de faire quelque chose. Bon dis-je que voulez-vous que je fasse. Voyons dit-il il y a là votre sac de voyage mettons que vous soyez occupée à le défaire, oh dis-je c'est toujours Miss Toklas qui fait ça oh non il m'est impossible de faire ça, eh bien dit-il il y a le téléphone mettons que vous téléphoniez, eh bien dis-je oui mais je ne téléphone jamais c'est toujours Miss Toklas qui s'en charge, eh bien dit-il que savez-vous faire, eh bien dis-je je sais mettre mon chapeau et enlever mon chapeau et je sais mettre mon manteau et je sais l'enlever et j'aime l'eau je peux boire un verre d'eau, parfait dit-il faîtes ça, j'ai donc fait cela et il a photographié ce que je faisais et le lendemain matin le lay-out était tiré et j'avais fait tout ça."

 

J'adore.

Lamalie

 

24 octobre 2007

Carlos Victoria est mort...

C'est une bien triste nouvelle, j'en suis toute retournée. Carlos VICTORIA est mort. Je ne sais pas pourquoi, mais sachant qu'il vivait à Miami, qu'il était journaliste éditeur au Nuevo Herald, pour moi, c'était un lien possible avec un auteur que j'appréciais, et qui représentait beaucoup. Il était comme une petite lumière vers mon 'petit délire de mythe' Reinaldo ARENAS. J'étais bien loin, bien bien loin d'imaginer que je n'avais pas le temps de le lire davantage, ni de lui témoigner un brin de mon admiration, avant qu'il ne s'en aille. Carlos Victoria avait 57 ans. Il n'est plus. Et j'ai envie d'ajouter qu'en plus, pour moi, c'est une peu comme si Reinalo Arenas mourait une seconde fois.

Voici un article de Libération publié hier, ainsi qu'un commentaire de Liliane HASSON, traductrice de nombreux romans cubains dont plusieurs des deux auteurs cités.

http://www.liberation.fr/culture/286657.FR.php

Carlos Victoria, digne jusque dans la mort
Disparition - Exilé en Floride, l’écrivain cubain, auteur d’«Un pont dans la nuit», est mort à l’âge de 57 ans. Philippe LançonQUOTIDIEN : mardi 23 octobre 2007

Le balcon de Carlos Victoria donnait sur un petit lac désert, à Miami. En bas, il y avait un hydravion. L’appartement, confortable et austère, ressemblait à un bateau échoué dans l’air, le silence et la propreté. C’est là que l’un des grands romanciers cubains de sa génération a avalé, le 12 octobre, une dose suffisante de médicaments. Il vivait seul avec son chat depuis le décès de sa mère. Il avait un cancer. Faute d’assurance suffisante, l’hôpital l’avait mis dehors deux jours après une opération lourde. A un moment, il s’est réveillé, très mécontent, semble-t-il, d’être encore là. Puis un coma sans retour l’a enveloppé. Carlos Victoria avait 57 ans. Il aimait les grands romanciers russes, Thomas Mann, Hermann Hesse et Albert Camus, qu’il ne lisait jamais quand il écrivait. Il aimait aussi le cinéma et les Moments musicaux de Schubert, qu’il écoutait même quand il écrivait.

Ayant renoncé à être journaliste pour ne pas écrire ailleurs que dans ses rares livres, il était éditeur au Nuevo Herald, le quotidien local. On peut lire en français : la Traversée secrète (Phébus), Abel le magicien (Actes Sud), et, surtout, Un pont dans la nuit (Phébus).

Ses nouvelles, peut-être le meilleur de son œuvre, ne sont pas traduites. C’était un homme bon, strict, discret. Le roman Un pont dans la nuit, publié en France cette année, dix ans après sa sortie, est l’histoire d’un Cubain qui vit au bord d’un lac et croit voir, de l’autre côté, un frère qu’il n’a jamais connu. Il part à sa recherche, la nuit dans Miami. L’exil et la dépression nettoient avec une efficacité physique le récit et les personnages d’élément inutile. Les solitudes américaine et cubaine se mêlent au clair-obscur. L’odeur des tropiques se fond dans celle des lotissements et des canaux de Floride. Quand nous l’avions rencontré là-bas cet hiver, il était dans les plâtras d’un roman et songeait à éditer des textes du Cubain Guillermo Rosales, dont il était l’exécuteur testamentaire.

Peu d’hommes donnaient autant que Carlos Victoria l’impression de saisir le cœur des hommes, revenu d’assez d’enfers pour comprendre le purgatoire des autres. Né à Camaguey, il était de la génération dite «de Mariel» – nom du port par où sortirent de l’île, en 1980, 23 000 Cubains. Avant cela, il avait été chassé de l’université à 20 ans pour «diversionnisme idéologique», placé d’office employé forestier dans sa région natale. Il avait brûlé ses textes avant son exil avec sa mère, folle depuis son abandon par le père de l’écrivain, avant la naissance de celui-ci. Carlos Victoria retrouva la trace de ce père par hasard quarante ans après, à Miami. Il alla le voir à Cuba, médecin mis à l’écart par le régime. Il n’a eu aucune complaisance pour le castrisme ; ni baigné dans la mise en scène d’un ressentiment dont il était dépourvu. Dignité est un mot fatigué, mais qui lui convient. L’une de ses nouvelles, l’Etoile filante, dépose sur un banc de Miami, au début des années 80, trois écrivains cubains pauvres, furieux, amis, exilés : Reinaldo Arenas, Guillermo Rosales et lui-même. Les trois meilleurs de leur génération, ce sont eux. Le premier avait le sida et s’est suicidé en 1990 à 47 ans. Le deuxième, fou, s’est suicidé en 1993 à 46 ans. Le troisième vient de rejoindre les deux autres sur le banc.

 
Commentaire(s) : 
 

Liliane Hasson : Carlos Victoria - Pour avoir traduit en français tous les livres que vous citez, outre un roman à paraître et des nouvelles, pour avoir eu avec Carlos Victoria, malgré la distance, des liens d'amitié jamais démentis depuis 25 ans, je partage entièrement votre estime et votre admiration envers l'homme et son œuvre. Mardi 23 Octobre 2007 - 12:34

 

Lamalie

PSP : les tristes nouvelles arrivant rarement seules... Brefle... 

 

27 septembre 2007

Lune

"Elle retient son souffle pour mieux entendre celui du soir et de l'estuaire. Lentement sa respiration s'apaise, se met au diapason de celle des éléments. Elle entrouvre les yeux ; elle aperçoit le mince croissant de lune perché là-haut, si haut dans le ciel d'un bleu toujours plus sombre et dense. Petite corne de lumière blanche, incandescente, mais dressée au front de quel invisible animal ? Ou bien cil ébloui par l'effusion d'un songe, mais envolé de quelle paupière ? Ou encore apostrophe marquant l'élision de toute autre signe, -apostrophe absolue griffée sur le ciel nu et lisse, invitant au silence, à une attente indéfinie, à la patience."

Extrait de Tobie des marais, de Sylvie GERMAIN.

19 juin 2007

Réédition de "La Couleur de l'été"

http://www.republique-des-lettres.fr/290-reinaldo-arenas....

Reinaldo Arenas

La couleur de l'été (éditions Stock)

Une idée reçue prétend que la critique littéraire ne sert à rien. Elle sauve au moins du ridicule: elle vous évitera la déconvenue de cette bourgeoise en goguette qui demandait l'autre jour dans une grande librairie bordelaise si La couleur de l'été de Reinaldo Arenas était le roman approprié pour aller passer quelques jours d'une fin de saison dorée sur la plage d'Arcachon. La couverture de ce roman posthume est à elle seule une page d'histoire littéraire. Arenas chez Stock? L'éditeur qui dirige cette maison est celui qui avait eu le courage de publier au Seuil les manuscrits que lui faisait parvenir avec mille difficultés le peintre Jorge Camacho qui signe l'illustration de la jaquette. Cette somme, au sens théologique (on y invoque Sainte Verge, Santa Marica dans l'édition originale publiée à Miami en 1991, un an après la mort de l'auteur) accumule, réorganise et orchestre les thèmes récurrents d'une oeuvre qui puise aussi bien dans le registre historique que biographique.
Pour fêter ses cinquante ans de pouvoir, Fidel Castro, alias Fifo, convoque à un gigantesque carnaval aux compatriotes, délégations étrangères et défunts illustres à qui il rend la vie pour l'occasion. La fête macabre, menée tambour battant, se déroule en 1999 et durera 600 pages. Toute réalité est ici investie, travestie, invertie, inversée, retournée dans un maelstrom linguistique époustouflant rendu par une traduction flamboyante. La critique universitaire a du mal à placer ce lutin qu'était Reinaldo Arenas aux côtés de figures marmoréennes comme Jorge Luis Borges, Pablo Neruda ou Juan Rulfo. Elle craint des secousses auxquelles on ne l'a pas habituée. C'est dommage! Elle verrait les enfilades d'Arenas se superposer aux délicates fresques de Pompeï et son parti pris héroï-comique et burlesque revisiter le Siècle d'Or. L'auteur réhabilite des genres affadis par l'opérette et leur redonne une efficacité satirique qui, par contrecoup, rend lourdes comme du plomb les célèbres invectives de Pablo Neruda. Reinaldo Arenas décrit ici l'effondrement d'une révolution, comme dit très justement Zoé Valdès, "surestimée par des opinions ou des situations externes", mais il s'écarte de ce qu'il est convenu d'attendre en la matière. Les froides comptabilités nord-américaines ne lui conviennent pas davantage que le prurit stalinien. Il revendiquait des choses simples, si simples qu'elles ont entrainé indirectement sa mort: vivre, faire l'amour, aimer, écrire. Mais il se heurtait à un antidote meurtier: la haine du désir, la haine de la littérature, la haine de la langue, la haine de soi. Logées au coeur de l'idéologie, au coeur de la langue, se confondant avec la littérature. Une telle tension, un tel bras de fer font de La Couleur de l'été un roman hystérique où l'individu est traversé par une blessure mortelle. C'est cette brèche que colmate la frénésie sexuelle. Voilà pourquoi on s'y encule tant !

Copyright © André Gabastou / La République des Lettres
mardi 1 octobre 1996