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25 septembre 2016

A veinte años, Luz - Elsa Osorio (Luz ou le temps sauvage)

Elsa Osorio, A los veinte anos Luz, Argentine, dictature

A veinte años, Luz - Elsa Osorio
Editions Siruela Nuevos Tiempos, 2008, 382 pages.

En 1998, Luz a 22 ans et une longue histoire à raconter. Elle est Argentine et vient d’arriver à Madrid avec son mari et leur fils d’un an et demi, pour faire la connaissance de Carlos qui, lui, n’est au courant de rien. Enfin arrivée au bout d’une longue quête, il lui suffit de quelques mots par téléphone pour réussir à le convaincre qu’ils doivent se rencontrer. Elle veut lui parler de Liliana, cette femme disparue qu’il avait aimée plus de 20 ans auparavant dans l’Argentine de la dictature militaire.

C’est la naissance de son fils Juan qui a fini de convaincre Luz de la pertinence de toutes ces questions qui lui étaient venues au fil de son enfance et de son adolescence, sur son histoire, sa famille... Elevée par des parents et grands-parents militaires hauts placés, tout la porte finalement à croire qu’elle serait plutôt fille de prisonniers révolutionnaires disparus lors de la dictature. Car pendant ce « temps sauvage » où chaque parole prononcée est épiée et leurs auteurs emprisonnés si ça ne convient pas, c’est environ 500 enfants de prisonnières enceintes qui sont, à la naissance, volés pour être adoptés par des couples « bien pensants ».

Le livre d’Elsa Osorio a une construction narrative parfaite. Tout d’abord, le prologue plante l’histoire de manière assez claire, le lecteur comprend tout de suite qu’il s’agit de la rencontre entre une fille et son père qui ne se connaissent pas. Ensuite, le récit que Luz fait de leur histoire à son père comprend trois chapitres qui correspondent à trois périodes différentes : 1976 sa naissance nébuleuse, 1984 autour d’un événement marquant alors qu’elle n’a que 8 ans, et la fin des années 1990 où elle se lance finalement dans ses recherches.

Les réactions du père et de la fille lors de leur première rencontre dans un café madrilène sont entrecoupées d’un long récit polyphonique où s’expriment tous les protagonistes impliqués dans cette histoire. C’est par le point de vue de plusieurs personnes qui ont côtoyé Luz dans son enfance que nous avançons petit à petit dans une histoire aussi fascinante qu’effrayante. Car là aussi Elsa Osorio maîtrise parfaitement l’art de mener son récit en nous dévoilant les choses au fur et à mesure, dans un rythme impeccable. Cela nous procure sans cesse et le plaisir de la découverte et cet intérêt pour connaître le fin mot de l’histoire sans que jamais le rythme ne s’essouffle.

Pour ma part, j’ai aussi réalisé tout ce que cette Histoire pouvait laisser comme trace aujourd’hui. J’avais bien dans la tête les grands-mères de la Plaza de Mayo qui cherchent leurs petits-enfants disparus, mais je n’avais pas vraiment envisagé le point de vue inverse et que ces petits-enfants vivent aujourd’hui, porteurs de cette histoire toute proche... Quarante ans c’est rien, et ces enfants, parents ou grands-parents d’alors sont tous là encore aujourd’hui avec chacun leur histoire dont on voit dans ce puissant récit qu’il en faut peu pour que jamais ne puisse se faire la lumière (luz en espagnol) sur une histoire individuelle.

Un seul petit regret pinailleur, c’est qu’on aurait aimé un peu plus de style parfois, car finalement, c’est l’histoire qui prime (et effectivement elle le mérite!). Mais pour ma part, c’est en commençant un autre livre sur le même thème (Tantos héroes, de Laura Restrepo) que je me dis que j’aurais aimé un brin de relief à l’écriture. Mais ce n’était sans doute pas l'objectif de celui-ci. Il faudra que je lise un autre livre d’Elsa Osorio. Car quoi qu’il en soit, ce livre nous emporte dans cette double histoire, celle de Luz et de l’Argentine, et il nous en donne une vision percutante et touchante.

Ce livre est lu dans le cadre du Challenge Amérique Latine pour : l’Argentine.
Et pour ce qui est de mes objectifs en plus :
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Challenge, Amérique Latine, Argentine, Osorio, dictature

P'tit bonus : mon petit conseil de film argentin sur le même thème La Historia Oficial (L’Histoire Officielle), de Luiz Puenzo datant en 1986. Il relate une histoire sur le même thème, mais là, c’est une mère, professeur d’histoire, mariée à un militaire pendant la dictature et qui ont adopté une petite fille (adorable!), qui réalise petit à petit à quel point elle est ignorante de ce qui se passe dans son pays, si proche d’elle. Ce film est d’une tension dramatique époustouflante.

PS : bon j'ai pas l'habitude de poster des messages si sérieux.. Même pas une petite touche d'humour ou de couleur.. Diantre ! Va falloir que ça change.