Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21 février 2011

La Guerre et la Paix, Tolstoï.

Chers passants,

J'ai participé (notez la conjugaison active : sujet = je, et pas de tournure passive du genre : on m'a fait participer) à une lecture commune, celle du livre "La Guerre et la Paix" (LG&LP), ou Guerre et Paix (G&P), ou La Guerre et Paix (LG&P), ou même Guerre et la Paix (G&LP), de Léon Tolstoï, ce grand auteur russe du 19ème, dans une nouvelle édition, celle du Point, dans la collection Signature, une version revue par Tolstoï: plus dense, plus romanesque. Eh oui, avec des vrais morceaux dedans.

guerre, paix, tolstoï, points, napoléon

Tout d'abord, le livre se tient en un volume et cela n'est pas négligeable, quand comme moi, on lit principalement dans le métro, en allant ou en rentrant du boulot (surtout en allant, car au retour, on est toujours moins frais, en tout cas, notre état de concentration, mais cette parenthèse est mauvaise langue, je vous en reparlerai). Le papier est beau, agréable au toucher, presque à l'odeur. Un seul bémol à cet aspect de la chose, les pages étant d'une blancheur immaculée, elles font un bon rappel à ces étendues russes enneigées, mais du coup, comme ce bouquin nous tient par ses 1242 pages un bon mois pour le lire, eh bien à traîner dans notre sac à main, dans un autre sac plastique, dans nos mains moites par la chaleur du métro, eh bien ça se salit : mon exemplaire n'est plus si reluisant. D'un autre côté, vous me direz, ça rappelle aussi les étendues russes neigeuses, qui, par ces gigantesques batailles, ne restent pas longtemps non plus si immaculées. Sinon, la couverture est belle. Vraiment, je la trouve jolie, magestueuse, pimpante, classe : un livre qu'on n'a pas honte de sortir sur ses genoux quand on sent que le mec bizarre assis à côté est déjà en train de nous reluquer alors qu'on n'a encore dégainé aucune arme littéraire!

napoleon, guerre, neige

Ensuite, avant de réellement démarrer ce billet, je voudrais tout de suite évoquer une petite précision, voire deux. En attendant de recevoir ce livre-ci, j'en avais commencé la lecture dans la version Pléïade (eh ouais! comment ça jette, ça aussi!), volume plus petit, plus transportable d'apparence, mais quand même plus lourd et surtout des pages en papier bible tout finfin, pire que du papier calque, une version plus looongue, moins dense et moins romanesque. Mais... MAIS! Deux avantages évidents qui ne se retrouvent pas dans la version Point : un détail graphique et un détail inadjectivable. Le détail graphique : putain comme c'est beau ces lettres qui s'aiment et qui s'accrochent telles des branches qui s'entortillent, c'est beau, c'est vraiment très beau, ces ligatures. Le détail inadjectivable : c'est l'index historique. Ces 15 pages de noms propres détaillés, expliqués, de Alexandre 1er à Zoubov, franchement, pour les lecteurs qui comme moi ont du mal non seulement avec les dizaines et dizaines de noms de princes ou de généraux, mais également à raccrocher chaque fois le prénom au nom de famille, et encore plus le diminutif et autres patronymes (oui je sais, la tournure est impropre, m'enfous!), eh ben ça aide, et une fois le Pléiade reposé, comme je n'ai plus ouvert ce lexique, c'est LA chose qui m'a manquée.

Ligatures.jpg

Enfin, pour vous parler de cette histoire et de cette lecture, je dirai donc que je ne me serais sans doute pas lancée seule dans la lecture de Guerre et Paix avant un long moment, et qu'une lecture commune permet de se lancer un défi, et qu'avec ce livre : ça fonctionne! Oui, bien sûr, on sent les 1242 pages, mais malgré effectivement des pages de guerre, des pages de paix (ahah..), je me suis tout à fait plongée dans cette histoire totale. On y voit la noblesse russe, qui parle français (mieux que nous aujourd'hui!), qui dîne chez les uns, chez les autres, qui manigance, qui se courtise, se promet, qui s'inquiète ou s'enthousiasme pour ce Buonaparte.. Au fil de ces tableaux, on aborde aussi bien la servitude, la franc-maçonnerie, la vodka (élément omniprésent dans le roman et //presque autant// dans la vie de la lectrice, qui fait même un tour en collectivité dans un Hypopotame-russe!), l'amitié, l'amour bien sûr, et la guerre.

Effectivement vous l'aurez deviné, la guerre est un autre élément largement abordé dans le roman, mais d'un certain point de vue. C'est comme si on soupçonnait que l'évocation, ou plutôt la description de la guerre n'était pas là vraiment pour parler de la guerre en elle-même. Si bien sûr, mais je me suis vraiment laissée emporter par ces descriptions techniques d'un pas par ici, d'un détour par-là, d'une chevauchée en reconnaissance, puis d'une tactique de diversion etc. Car tout cela finit par nous amuser, ce Andreï (est-ce bien lui ?) qui finit par réaliser qu'il n'y a pas de maîtrise de la guerre, qu'un soldat peut être mis en avant pour sa bravoure alors qu'il s'était baissé pour refaire son lacet, pas vraiment pour éviter un coup fatal (euh l'exemple est de moi hein). En gros, à partir du moment où le départ est donné au front, aucun chef d'armée ne peut suivre ce qui s'y passe et donner ses directives, les choses se font parce qu'il faut bien, et advienne que pourra.

J'ai beaucoupé aimé ce personnage d'Andreï, ce pauvre Pierre, cette fofolle de Natacha. Et j'ai aussi énormément apprécié cette description tout à coup, de cette société qui sombre, qui tombe dans la défaite, cette noblesse qui réalise (ou pas) que c'est fini.. Cette partie est une 'belle' tragédie.

Enfin, ce qui m'a beaucoup plu, à moi toute seule personnellement, c'est tous ces mots, tous ces noms, tout ce vocabulaire plus de notre temps ou qui ne recouvre plus le même sens :

qu'un clavicorde est une sorte de piano :

clavicorde, piano, clavecin

qu'un havresac ne s'utilise pas seulement dans Dofus, qu'il peut m'arriver (souvent???) d'être gastrolâtre, qu'un trumeau est la partie d'un mur qui se trouve entre deux fenêtres, que le gaule est un jeune arbre, que Petrouchka et Nikita sont (peuvent être?) des noms masculins!, que le télègue est un chariot de bois quand le troïka est un traîneau tiré par trois cheveaux, que le kvas en Russie rivalise avec la vodka, que la redoute peut aussi être une infrastructure militaire, que quand un enfant dit qu'il ne veut pas susoter quand son petit frère dort, et qu'il préfère sahuter, eh bien c'est qu'il susseye !

Enfin, je ne résiste pas à quelques citations qui m'ont plu :

p.186 "Il éclata d'un rire sec, droit et déplaisant, comme il avait l'habitude de le faire, un rire qui ne provenait que de sa bouche, et non des yeux."

p.805 "La tradition biblique dit que l'absence de travail - l'oisiveté - fut la condition de la félicité du premier homme avant sa chute. L'amour de l'oisiveté demeura intacte chez l'homme déchu, mais la malédiction ne cesse de peser sur lui, et ce n'est pas seulement parce que nous devons trouver notre pain quotidien qu'il nous est impossible d'être oisifs et sereins : un ver minuscule nous ronge et nous suggère que nous devons nous sentir coupables de cette oisiveté. Si l'homme pouvait trouver l'état dans lequel il se sentirait utile et effectuerait son devoir tout en étant désoeuvré, il découvrirait l'une des faces de la félicité originelle."

Et je terminerai par de l'humour car c'est ce qui m'amuse (arf), et Tolstoï n'en manque pas, même au milieu de choses très sérieuses :

tolstoï

p.206 "Le commandant du régime était un général d'un certain âge, un homme sanguin aux sourcils et aux favoris grisonnants, bien en chair et plus large entre la poitrine et le dos que d'une épaule à l'autre."

p.932 "Pierre continuait de renifler comme une cornemuse gonflée, et il se taisait."

p.1000 " "J'avais bien dit que toute cette bataille irait au Diable." Pfuel était l'un de ces théoriciens qui aiment tellement leur théorie qu'ils en oublient le but : sa mise en pratique. Dans l'amour de sa théorie, il haïssait toute pratique et ne voulait pas en entendre parler. Il se réjouissait même du fiasco, car un fiasco qui provient de l'inévitable écart entre la théorie et la pratique démontrait la justesse de sa théorie."

p.1135 "Entre-temps, l'empereur Napoléon avait achevé sa toilette, il était en chaussons, avec des bas courts moulant ses gros molets, sans chemise, avec son gros ventre proéminent au-dessus duquel pendaient comme deux seins de femme couverts de poils. Le valet de chambre aspergeait d'eau de Cologne son corps gras et soigné, un autre frottait avec une brosse le dos de Sa Majesté. Ses cheveux assez courts étaient humides et mêlés sur le front. Napoléon reniflait et répétait : "Ah, encore! Dîtes à M. de Beausset, ainsi qu'à Fabvier, qu'ils m'attendent."

bu_soutien-vodka.jpg

N.B. J'ai lu ce livre en même temps que : Cryssilda, Emma, Erzie, Isil, Madame Charlotte, Cryssilda, Stéphanie, Titine, et Vounelles !